Photo-identification des cétacés : Guide pratique pour observer et contribuer à la recherche
- Virginie Wyss
- 30 août
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 sept.
Observer un cachalot ou une baleine en Méditerranée est une expérience inoubliable.
Mais saviez-vous que vos photos peuvent aussi aider les scientifiques à mieux protéger ces géants des mers ? Grâce à la photo-identification, chaque observation devient une précieuse contribution à la recherche. Voici un guide pas à pas pour photographier correctement les cétacés et partager vos données avec les programmes scientifiques.
1) Repérer un animal en mer

Cherchez le souffle : haut et puissant pour les rorquals bleus, en V pour les baleines franches, bas et incliné pour les cachalots.
Observez les indices : dos qui brise la surface, queue qui s’arque avant une plongée, traces en surface (« empreintes » circulaires laissées dans l’eau calme), oiseaux qui se regroupent.
Conditions idéales : privilégiez une mer calme (force ≤ 3 sur l’échelle de Beaufort).
2) Approche correcte (éthique et sécurité)
Distance minimale : au moins 100 m (200–300 m pour les grands cétacés ou femelles avec petits).
Navigation parallèle : suivez doucement et de façon stable, jamais par l’avant ou l’arrière.
Ralentissez bien avant d’approcher ; si l’animal surgit près du bateau, mettez-vous au neutre et laissez-le passer.
Temps limité : maximum 30 minutes par groupe, et un seul bateau à proximité.
Respect absolu : ne jamais entrer dans l’eau, ne pas utiliser de drones sans autorisation, respecter les lois locales (ex. Pelagos, ACCOBAMS).
3) Que photographier (selon l’espèce)
La nageoire caudale (queue)
Mégaptère (baleine à bosse) : face inférieure de la caudale (pigmentation, cicatrices, encoches), + nageoire dorsale (gauche/droite).
Cachalot : face inférieure de la caudale, + profil de la tête et cicatrices.

nageoire caudale d'un cachalot, Expedition Glacialis Rorqual bleu : caudale parfois visible ; sinon, privilégier le dos marbré, la petite dorsale et la zone du souffle.
Le dos et les callosités
Baleine franche (boréale, de l’Atlantique Nord, etc.) : callosités sur la tête (rostre, bonnet, commissures labiales), vues de chaque côté ; souffle en V, dos large sans dorsale.
La nageoire dorsale
Rorqual commun, de Bryde, petit rorqual : dorsale gauche/droite (forme, encoches), chevrons/pigmentation (chez le rorqual commun), cicatrices.
Orque (épaulard) : dorsale (forme, encoches) + tache gris clair derrière la dorsale (saddle patch), + tache oculaire, de chaque côté.
Les odonthocètes (les dauphins) : la nageoire dorsale

Globicéphales rencontrés lors de l'expédition Glacialis, au milieu de l'océan Atlantique
Si la caudale n’est pas montrée
Photographiez la dorsale (gauche/droite), le dos, la tête et toute cicatrice distinctive. Multipliez les prises en rafale.
4) Réglages photo
Appareils photo (reflex/hybride) :
Mode priorité vitesse (S/Tv) ou manuel ou le mode sport.
Vitesse : 1/1000 à 1/2000 s.
Ouverture : f/5.6–f/8.
ISO : auto (max 3200).
AF : continu (AI Servo / AF-C).
Rafale rapide.
Objectif : 70–200 mm ou 100–400 mm.
Format : RAW+JPEG si possible.
Smartphone :
Tenez en mode paysage, utilisez la rafale.
Zoom modéré (2× max).
Touchez pour faire la mise au point sur la nageoire/queue.
Ajustez légèrement l’exposition si la lumière est forte.
5) Informations utile à noter
Date et heure (UTC).
Coordonnées GPS.
Nombre d’individus et présence éventuelle de jeunes.
Comportement (repos, déplacement, alimentation, sauts).
Direction et conditions de mer.
Type d’embarcation (zodiac, voilier, etc.) et distance estimée.
Appareil utilisé (type, zoom).
6) Où envoyer vos photos
Happywhale : plateforme mondiale qui identifie les individus et vous informe si votre observation correspond à un animal connu.
Flukebook : base scientifique ouverte aux chercheurs et ONG, multi-espèces.
Catalogues régionaux : en Méditerranée, le GREC et l’Institut Tethys sont des références majeures. Transmettez vos photos aux deux (global et local) si possible.7) Checklist qualité (photo-ID réussie)
Nette (mise au point sur le bord de la caudale ou de la dorsale).
Bien éclairée (éviter contre-jours et ombres marquées).
Angle droit (fluke ou dorsale photographiée bien à plat).
Série de clichés couvrant toute la remontée/plongée.
Clichés contextuels (vue d’ensemble, bateau, mer).
7) Préparation des fichiers & métadonnées
Conservez les originaux (gardez les métadonnées EXIF : date/heure, GPS si disponible).
Donnez un nom explicite aux fichiers (ex. : 2025-07-18_Italie-Pelagos_Cachalot_Grp3_IMG1234.jpg).
Fournissez une fiche d’observation : date/heure UTC, coordonnées GPS, espèce (si connue), nombre d’individus, présence de jeunes, comportement, plateforme (bateau, côte…), vos coordonnées.
8) Checklist qualité (pour une photo-ID réussie)
Nette (mise au point sur le bord arrière de la caudale ou de la dorsale).
Bien éclairée (éviter les ombres fortes/reflets ; ajuster l’exposition).
Orthogonale (caudale/dorsale photographiée bien de face ou à plat).
Plusieurs clichés couvrant toute la séquence de remontée/plongée.
Photos contextuelles pour la vérification.
9) Principes éthiques (les baleines avant tout)
Si les animaux changent de trajectoire, accélèrent ou plongent prématurément → vous êtes trop proche → reculez.
Femelles et petits : distance doublée, temps d’approche réduit.
Un seul bateau par groupe à proximité, autant que possible.
Pas de nourrissage, de contact, de baignade, ni de drones sans autorisation.
Respectez les lois locales : elles peuvent imposer des distances ou limitations de vitesse plus strictes.
Résumé par espèce

Baleine à bosse : caudale (dessous), dorsale, cicatrices.
Cachalot : caudale (dessous), profil de tête, cicatrices.
Rorqual bleu : dos marbré + petite dorsale, caudale si visible.
Baleines franches : callosités sur la tête, souffle en V, pas de dorsale.
Rorqual commun, de Bryde, petit rorqual : dorsale gauche/droite, pigmentation (chevrons), cicatrices.
Orque : dorsale + saddle patch, tache oculaire, de chaque côté.
Dauphins (Comprends les baleines à becs, les globicéphales, bélugas, orques, grands dauphins, dauphins de rivières, marsouins etc.): nageoire dorsale si possible des deux côtés.
Conclusion
Chaque photo prise en mer est bien plus qu’un souvenir : c’est une pièce d’un immense puzzle scientifique. Grâce à vos images et aux plateformes comme Happywhale ou Flukebook, les chercheurs suivent les populations, identifient les menaces et protègent mieux les géants des océans. Observer, photographier, partager : trois gestes simples pour devenir vous aussi gardien des baleines.
Références
Happywhale : https://happywhale.com
Flukebook : https://flukebook.org
Groupe de Recherche sur les Cétacés (GREC) : https://www.cetaces.org
Institut Tethys : https://whalesanddolphins.tethys.org
ACCOBAMS : https://accobams.org

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